La transfo' publique au temps du confinement #épisode 2

Publié le 06 mai 2020

La crise sanitaire liée à l’épidémie de Covid-19 a impacté en profondeur certains projets de transformation publique. Loin de s’avouer vaincus, les agents en charge de ces projets ont su changer de pied, parfois dans l’urgence, se faire confiance et donner une toute autre direction à leurs démarches au service des usagers ou des citoyens. Audace, imagination, sens de l’intérêt général… dans le cadre de notre série "La transfo’ publique au temps du confinement", nous donnons la parole aux agents de l’État engagés - d’abord malgré eux puis avec ardeur et conviction - dans cette drôle d’aventure !

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Lauréat d’un appel à manifestation d’intérêt sur les sciences comportementales lancé en 2018 par la direction interministérielle de la transformation publique (DITP), le ministère des Sports vient de réorienter son projet de plateforme permettant d’encourager les agents publics à faire davantage d’activité physique vers une web-application à l’attention de tous les Français. En complément des contenus de sport à domicile déjà recensés et labellisés pour la période du confinement, la web-application BougezChezVous.fr permet dès maintenant à chacun d’accomplir ses objectifs sportifs en bénéficiant de rappels quotidiens, à l’horaire qu’il a préalablement défini, ainsi que des conseils et contenus personnalisés sous forme d’emails et notifications et selon ses préférences et son niveau.

Christèle GAUTIER, Cheffe du bureau de l’élaboration des politiques du sport et Amandine SINGLA, Cheffe de projet à la Mission « développement durable du ministère, pour le ministère des Sport, et Stéphan GIRAUD, Directeur du programme « Sciences comportementales » à la DITP nous racontent les coulisses de ce projet, son repositionnement en pleine crise sanitaire et les nouvelles formes de coopération qu’ils ont dû mettre en place en un temps record.

Quelle était l’intention initiale du ministère des Sports en soumettant un projet dans le cadre de l’appel à manifestation d’intérêt de la DITP dédié à l’approche comportementale ? Quel a été l’élément déclencheur ?

Amandine SINGLA : le ministère des Sports a commencé à réfléchir aux sciences comportementales dès 2015 mais en priorité sous un angle environnemental en s’interrogeant sur la manière d’associer les spectateurs à une gestion plus éco-responsable des déchets lors des grands événements sportifs. Nous avons commencé par des conférences, puis le projet a mûri et les réflexions étaient déjà bien engagées quand l’occasion d’aller plus loin s’est présentée avec l’AMI lancé par la direction interministérielle de la transformation publique. On a échangé assez librement avec l’équipe « Sciences comportementales » de la DITP pour choisir la thématique à privilégier : le développement des mobilités actives, la promotion de l’activité physique et sportive… L’appel à manifestation d’intérêt est tombé au bon moment pour nous permettre d’être accompagnés par des experts de l’approche comportementale.

Stéphan GIRAUD : tout a commencé avec cet appel à manifestation d’intérêt ouvert à l’ensemble des administrations volontaires pour proposer des sujets sur lesquels il y aurait matière à enrichir l’action publique avec le levier comportemental. Dans le cas du ministère des Sports, nous avons finalement choisi de nous focaliser sur la promotion de l’activité physique auprès des agents publics, non pas parce qu’il y aurait des problématiques spécifiques dans la Fonction publique mais parce que nous avons une facilité d’accès à cette population pour tester et expérimenter sur le terrain. Nous avons conduit ces travaux avec les équipes de la Behavioural Insights Team (BIT), structure internationale pionnière dans ce domaine.

Qu’est-ce qui vous a motivé à accepter le changement assez radical de direction provoqué par le confinement ? Quand et comment décide-t-on de tout remettre à plat ?

Amandine SINGLA : Ce qui change la nature du projet, c’est la crise qu’on traverse actuellement et l’opportunité d’avoir un outil qui réponde aux besoins du moment, c’est-à-dire que les Français puissent faire de l’activité sportive chez eux. C’est cet élément contextuel qui a été déclencheur. L’opportunité et les conditions d’un partenariat robuste étaient là. L’outil initié dans le cadre du projet répond à un besoin né du confinement et nous avions une base sur laquelle nous appuyer pour avancer. Sans le projet déjà en cours et la coopération déjà installée avec la DITP et la Behavioural Insights Team, nous n’aurions pas pu aller aussi loin, aussi vite.

Christèle GAUTIER : Ce qui nous a décidé à changer l’orientation du projet, c’est aussi l’opportunité d’inscrire encore davantage l’initiative dans une des priorités du ministère : proposer une réponse pour l’ensemble des usagers, y compris les non sportifs, et associer étroitement sport et santé pour le plus grand nombre. On est clairement dans une approche interministérielle qui dépasse la seule pratique sportive pour, plus largement, changer les habitudes sportives des Français, travailler sur la mobilité et renforcer l’impact des actions de lutte contre la sédentarité et l’inactivité physique. Avec ce qu’est devenu le projet – une web-application - on vise les familles et les non habitués à l’activité sportive qui vont trouver des solutions en termes de détente et bien-être, un moyen de se défouler voire pour certains de se muscler. Le projet est devenu l’occasion de travailler sur des questions de santé publique, de mobilité et de prévention. La population que touchera cette web-application est très large et pousse les frontières habituelles de nos messages. C’est un accélérateur. On s’engage dans un changement stratégique et durable pour la période qui succédera au confinement.

Stéphan GIRAUD : Côté DITP, nous avions une douzaine de projets en cours dans le cadre de l’appel à manifestation d’intérêt. La crise sanitaire - face à laquelle nous sommes grandement mobilisés – a posé la question de savoir quoi faire de ces projets. Etait-il possible de les adapter aux circonstances particulières que nous étions en train de vivre ? Ce projet du ministère des Sports est typiquement le projet sur lequel on pouvait rebondir et s’adapter. Nous avons fait en sorte de mettre un peu d’agilité dans nos modes de travail, ce qui supposait de changer de fusil d’épaule y compris en termes de partenariats et de mettre en pause le travail avec d’autres ministères ou collectivités locale initialement embarqués, mais c’était la chose à faire car on apercevait la plus-value concrète.

Qu’est-ce qui vous a le plus surpris dans le «mode de faire » mis en place pour avancer dans la démarche collective que vous avez menée ?

Stéphan GIRAUD : ce qui m’a le plus impressionné, c’est la capacité à changer de pied aussi rapidement tout en maintenant une vraie volonté de construire ensemble le projet. Quand on a lancé l’AMI, l’un des 5 critères de sélection des candidats, qui pouvait sembler très subjectif,  était la garantie d’une mobilisation tangible et durable de l’administration candidate dans la démarche, notamment en termes de mise à dispositions d’équipes. Ce point s’est avéré de fait souvent déterminant et je crois qu’on peut dire que le ministère des Sports a rempli cet engagement bien au-delà de tout ce que nous aurions pu imaginer !

Christèle GAUTIER : c’est effectivement une très bonne surprise. La rapidité du go donné en interne au ministère des Sports et la capacité collective à faire atterrir ce projet dans des délais très contraints soulignent l’intérêt du projet et de ce type de collaboration. On a réussi à faire basculer le projet dans le bon sens et je ne suis pas certaine qu’on aurait pu y arriver dans des conditions plus classiques. Je retiendrais aussi une chose : la confirmation que le décloisonnement et le partage sont souvent la solution à des problèmes qu’on n’arriverait pas à régler dans un mode opératoire classique. On n’a pas laissé nos convictions en chemin même s’il a fallu faire des compromis pour avancer. Le projet nous a énormément appris : on avait des contenus mais pas l’expérience des échanges avec les usagers pour construire avec eux le projet. Là, les échanges avec les usagers ont été récurrents, on a eu la possibilité d’avoir des retours utilisateurs et ça, c’est un vrai plus.

Amandine SINGLA : pour moi, c’est l’agilité dont on a su faire preuve avec le passage de témoin qui s’est fait entre deux équipes projets au sein du ministère des Sports. Souvent, on reproche à l’administration de ne pas toujours être agile et on a démontré le contraire avec ce projet. On a été capable de répondre collectivement de façon efficiente et rapide. Quand on a répondu à l’AMI, il y avait l’ambition de découvrir une nouvelle méthodologie de travail et on a été capable d’aller au-delà de ce qu’on pensait être en mesure de faire. Aujourd’hui, nous avons très envie de repartir sur d’autres sujets en utilisant à nouveau les sciences comportementales.

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