Numérique et transformation des métiers publics… quelles perspectives ?

Publié le 01 avril 2019 par Mission « Innovation publique »

La Direction interministérielle de la transformation publique (DITP) a lancé en avril 2018 une étude afin d’explorer les impacts et le potentiel de la transformation numérique des agents publics. Il s’agit de la première à partager de façon ouverte, publique et large sur le potentiel de transformation des métiers publics par le numérique.

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Etude "Transformation numérique : dessinons les métiers publics de demain"

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La transformation de l’Etat passera par une transformation numérique : aujourd'hui, cela ne fait plus débat. C’est devenu une attente des citoyens, une conviction profonde des agents publics eux-mêmes mais aussi un axe assumé des programmes de transformation. Pour autant, les citoyens et les acteurs publics eux-mêmes entretiennent un rapport ambivalent et souvent paradoxal avec cette transformation numérique.

Si de nombreuses études se sont penchées sur la question des impacts du numérique sur l’emploi et les métiers dans les entreprises, le champ des emplois et métiers publics a donné lieu à très peu de partage et de débat et aucune étude s’attachant à leurs spécificités et à la réinvention du service public qu’ils délivrent n’a été partagée largement jusqu'à maintenant.

L'étude se veut ainsi un objet de discussion et de débat pour engager les acteurs publics dans une réflexion autour des enjeux de la transformation numérique et des potentiels que celle-ci représente pour l'évolution, la transformation et la réinvention des métiers publics dont ils ont la charge. En dépassant une approche centrée sur les technologies, les projets, les process et leur efficience, l’étude adopte résolument le point de vue des métiers des agents, de leurs activités et tâches quotidiennes.

L’étude prospective réinterroge les métiers publics à l’aune du numérique et dégage plusieurs maîtres-mots dont pourrait se saisir chaque administration soucieuse d’avancer sur ce sujet : oser réinterroger les métiers à l’aune du numérique ; cartographier les métiers et les compétences ; développer les outils de GPEC et d’accompagnement RH ; dessiner et prioriser ses trajectoires numériques en lien avec les métiers ; partager ses expériences de transformation numérique et se nourrir de celles des autres.

Telles semblent être les principales conditions pour que la transformation numérique soit à la hauteur des formidables promesses qu’elle dessine pour réinventer les métiers des agents publics, au service du cœur de leurs missions.

"L'étude ne trace pas un avenir déterministe et ne dit pas ce que sera fatalement le futur du métier. Elle retrace plutôt ce que le futur du métier pourrait être."

Une étude pour partager de façon ouverte, publique et large sur le potentiel de transformation des métiers publics par le numérique

L’impact de la transformation numérique sur les métiers de la sphère publique semble peu étudié et peu anticipé. Si des acteurs publics ont fait le choix de cibler un métier ou une famille de métiers dans son ensemble, au-delà d’une simple réflexion sur certains process ou outils (voir l’exemple de la Gendarmerie ci-après), il n’existait pas jusqu’à présent d’analyse partagée qui reparte de la réalité des métiers publics et de leurs spécificités.

Associant France Stratégie, la Direction générale de l’Administration et de la Fonction publique (DGAFP) et la Direction interministérielle pour le numérique et les systèmes d’information et de communication (DINSIC), l’étude lancée par la DITP a cherché à analyser, pour seize grandes familles de métiers des sphères étatique et hospitalière, les potentiels offerts par le numérique et les perspectives d’évolution du métier que leur utilisation pourrait dessiner.

Menée avec l’aide des cabinets Roland Berger et Wavestone, sur la base de données publiques et d’une série d’entretiens (directions d’administration, experts et agents de terrain), elle permet de recenser et qualifier les tâches effectivement réalisées par les agents pour ensuite les confronter à un ensemble de leviers numériques et en déduire le potentiel de transformation numérique associée.

Bien que se concentrant essentiellement sur l’impact du numérique restreinte au champ de la transformation numérique, elle dessine une vision potentielle des métiers (de la sphère étatique et hospitalière) et de leur transformation. Elle ne dit pas ce que devrait être ou sera le futur de chaque métier examiné. Elle ne trace pas non plus un avenir déterministe et ne dit pas ce que sera fatalement le futur du métier. Elle retrace plutôt ce que le futur du métier pourrait être. Car c’est au service d’une vision désirable d’un métier, au service des usagers et de la mission que les agents publics délivrent que peut être mis en oeuvre le numérique.

Une illustration des dynamiques à l’œuvre avec le cas de la Gendarmerie

La transformation numérique est aussi une réalité pour les forces de sécurité intérieure. Ainsi, en 2015, la Gendarmerie nationale, rapidement associée à la police nationale, a fait le choix d'équiper l'ensemble de ses personnels de terrain de terminaux mobiles (smartphones et tablettes), sécurisés par un système d'exploitation développé par l'ANSSI. Cette plateforme permet ainsi de mettre à disposition des personnels en patrouille, des enquêteurs sur le terrain ou encore des forces mobiles, non seulement des accès aux bases de données traditionnelles mais aussi à des outils "métier" nouveaux (lecture automatisée des documents d'identité, suivi cartographique de l'opération tranquillité vacances) ou auparavant uniquement accessibles depuis les bureaux (bases documentaires opérationnelles). Après une phase d'expérimentation, le dispositif a été généralisé à l'automne 2017 et le déploiement de plus de 100.000 terminaux a été effectué dans les deux forces.

D'autres projets innovants ont été initiés par la Gendarmerie nationale comme la Brigade numérique de la Gendarmerie, permettant à tout usager de contacter la Gendarmerie par un moyen électronique (chat web, conversations sur les réseaux sociaux) 24 heures sur 24, pour y aborder toutes les questions susceptibles d’être posées à l'accueil d'une brigade de Gendarmerie ou lors d'un échange avec un gendarme en patrouille.

L'ensemble de ces innovations permettent de se rapprocher des attentes des usagers et de leurs pratiques quotidiennes et, pour les gendarmes, de fluidifier et de renforcer les contacts, avec un lien permanent entre le contact numérique et le contact physique.

Un constat principal : 70% des effectifs parmi les 3.5 millions d’agents du périmètre analysé dans l’étude pourraient voir leur métier transformé grâce au numérique

Parmi ses résultats les plus emblématiques, l’étude identifie que plus de 70% des effectifs de la sphère étatique et hospitalière, au sein de 8 des 16 métiers identifiés par l’étude, pourraient voir leur métier sensiblement voire radicalement évoluer grâce au numérique : enseignants, infirmiers, forces de sécurité, métiers administratifs et de l’accueil mais aussi médecins, chercheurs, militaires ou personnels d’encadrement pourraient être les métiers les plus transformés.

Dans l’ensemble, si l’on cherche à résumer les voies de transformation mises en évidence, il s’agirait d’automatiser les tâches les plus répétitives mais surtout de fournir automatiquement aux agents les données, les analyses et les simulations dont ils ont besoin, à la fois pour mieux préparer le travail de terrain et les interactions avec les usagers. La transformation numérique permettrait de libérer du temps au profit d’interactions mieux ciblées et plus personnalisées.

Un potentiel de transformation atteignable à 5 ans

Un autre constat de l’étude est que les potentialités mises en évidence s’appuient sur des leviers numériques mûrs, déjà déployés dans des entreprises privées ou certaines administrations, y compris locales. Une vision du métier construite à partir de partir de briques numériques déjà existantes est une cible atteignable sous 5 ans de manière réaliste.

Des transformations qui ne sont pas sans risques ni obstacles

L’étude met également en évidence que, pour chaque métier, si les potentialités du numérique sont prometteuses, la mobilisation des différents leviers identifiés fait tout de même apparaître des points de vigilance ou des freins. Outre la question des investissements, se pose celle du déploiement, dans des organisations parfois très complexes ou décentralisées, comme dans l’enseignement.

Surtout, il s’agit d’évolutions dans la posture des agents et dans leurs activités quotidiennes. Les bénéfices pour la qualité du service comme pour les agents ne pourront se matérialiser que si le sens de ces évolutions est clair et l’acquisition par les agents des nouveaux réflexes et des nouvelles compétences associés fait l’objet d’une attention toute particulière.

Les principales recommandations de l’étude

Plusieurs recommandations se dessinent et l’étude pose quelques sujets de discussion pour que toutes les administrations puissent se saisir de l’enjeu de la transformation numérique :

  • Elle encourage, tout d’abord, à repenser les métiers des agents publics à travers le prisme des potentialités offertes par le numérique. Faire l’exercice de projection et formaliser une vision de la transformation numérique pour chaque métier apparaissent comme des premiers pas essentiels pour chaque administration.
  • Elle propose, ensuite, que chaque administration cartographie les métiers et les compétences qui la composent. Connaitre la répartition des métiers, le contenu des tâches et les compétences disponibles ou requises permet d’être ensuite capable d’appréhender les impacts sur la formation, les compétences ou les redéploiements est un préalable indispensable.
  • Elle recommande que des démarches de gestion prévisionnelle de l’emploi et des compétences soient déployées, avec les outils appropriés. Car la formation, l’évolution des compétences voire le repositionnement de certains agents sont des conditions de réussite dans la durée de la transformation numérique des métiers des agents publics.
  • Enfin, alors même que beaucoup de transformations ont lieu, elles sont rarement connues ou valorisées et la connaissance rarement capitalisée. L’étude encourage donc le partage de connaissances et d’expériences pour susciter des projets et pour mieux connecter les acteurs des transformations numériques au sein des administrations. Plus précisément, il s’agit de répondre à quatre besoins : mieux connaître l’état de l’art des solutions numériques, de ce qui est faisable ou non, des méthodes pour accompagner leur déploiement ; avoir accès à des exemples de solutions opérationnelles déployées (privées ou publiques) ; réfléchir aux impacts métiers et organisationnels d’une transformation numérique ; valoriser des transformations réussies ou à l’œuvre.

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