Histoire de la transformation publique
L’État se transforme en permanence pour préparer et accompagner les transformations de la société. Les politiques de transformation de l’action publique accélèrent ces évolutions par les méthodes et les expertises qu’elles favorisent.
La transformation publique est la mise en œuvre opérationnelle d’un des trois grands principes du service public (les « lois de Rolland ») : le principe de mutabilité qui suppose que le service public « s’adapte aux évolutions de la société. Il doit suivre les besoins des usagers (souplesse d’organisation des services, notamment) et les évolutions techniques » pour être à la fois moteur et acteur des évolutions sociétales (source : DILA).
Toutefois, si l’organisation de l’État et les méthodes d’interventions des administrations n’ont cessé d’évoluer, ce n’est qu’à partir de l’après deuxième guerre mondiale qu’en France et dans la plupart des pays de l’Organisation de Coopération et de Développement Économiques (OCDE), les politiques de réforme de l’État sont devenues des politiques publiques à part entière (Philippe Bezes, 2008).
De 1945 aux années 1970 : moderniser la société
A partir de la libération, l’État devient le moteur de la reconstruction et de la modernisation de la France. Dès 1945, la création de la sécurité sociale confère à l’État un rôle de protection des individus face à la maladie, à la vieillesse et au chômage. A partir de 1946, sous l’égide du commissariat général au plan, il prend en charge le lancement de grands projets (industrie, services, aménagement et construction).
Cette extension des missions de l’État implique une évolution des administrations. Une École Nationale d’Administration est créée en 1945 pour former des cadres responsables de ces actions de modernisation. Un comité d’enquête sur le coût et le rendement des services publics est également chargé de conduire des missions opérationnelles pour améliorer l’organisation et l’efficience des administrations. Enfin, plusieurs ministères se dotent d’un bureau « d’organisation et méthodes » dont l’objet est de « rechercher les conditions d’une meilleure efficacité dans l’exécution des tâches administratives » (CAEF, 2023).
Dans le contexte des Trente glorieuses, cette croissance continue de ses missions, structures et effectifs conduit l’État à professionnaliser et à institutionnaliser l’activité de transformation. En 1968, la Rationalisation des Choix Budgétaires (RCB) est introduite dans l’administration française en s’inspirant du Planning-Programming and Budgeting System de l’administration fédérale américaine.
L’ambition de la RCB est de favoriser des décisions et des arbitrages rationnels via des études d’impacts calculés ex-ante, la définition de différentes options sur la base d’une analyse économique coût-avantage et une mise en œuvre basée sur une gestion par objectifs. La RCB constitue la première initiative visant à introduire systématiquement des « méthodes modernes de gestion » devant favoriser une conduite plus rationnelle et efficace de l’action publique.
Dès les années 1970, l’amélioration de la relation entre administration et usagers devient une composante essentielle de la transformation publique. Un rééquilibrage s’opère avec le renforcement des droits de l’usager et une meilleure connaissance des usagers et de leurs besoins.
En parallèle de la création du médiateur de la République (devenu Défenseur des Droits), de la Commission Nationale Informatique et Libertés (CNIL) et de la Commission d’Accès aux Documents Administratifs (CADA), les premiers comités d’administrés sont créés en 1974 et une charte « à votre service » amorce en 1982 une codification du service que l’usager est en droit d’attendre des administrations.
Des années 1980 aux années 2000
Les grandes réformes structurelles (décentralisation en 1982, mouvement de privatisation en 1986) focalisent l’attention, mais n’entravent pas le mouvement de diffusion progressif des nouvelles méthodes de gestion. Ainsi en 1985 sont lancées les premières expérimentations de cercles de qualité dans l’administration publique, promouvant la participation des agents aux actions de transformation.
Le principal tournant a cependant lieu le 23 février 1989 avec la circulaire du Premier ministre, Michel Rocard, portant « renouveau du service public ». Elle constitue la première formulation d’une doctrine globale et cohérente de réforme de l’État. Le renouveau du service public est présenté comme le moyen de préserver les missions assignées aux services publics par la modernisation des méthodes de gestion et la responsabilisation des agents publics. Il passe par une action coordonnée en 4 axes :
- la systématisation de l’évaluation des politiques publiques pour en mesurer l’impact ;
- le renforcement de la responsabilisation des administrations, via les projets de service et les centres de responsabilité ;
- un dialogue social renouvelé ;
- une nouvelle relation à l’usager (mesure de la qualité de service et écoute).
Les années 1990 ancrent cette montée en puissance de la réforme de l’État, via une multiplication des commissions dédiées à la réforme (les rapports successifs « De Closets », « Sérieyx », « Blanc » et « Picq ») et la création d’instances dédiées telles que le Commissariat à la Réforme de l’État (1994), transformé en Comité interministériel à la réforme de l’État (CIRE, 1995) puis en délégation interministérielle à la réforme de l’État (1998).
Plusieurs décrets et lois viennent renforcer certaines composantes des politiques de transformations, elles concernent la relation aux usagers (Loi du 12 avril 2000 relative aux droits des usagers dans leurs relations avec les administrations), la simplification (décret du 2 décembre 1988 instituant une Commission pour les simplifications administratives).
La transformation numérique commence à s’intégrer dans les leviers de modernisation de l’administration : programme d’action gouvernemental pour la société de l’information en 1998 puis création de l’agence pour le développement de l’administration électronique en 2002.
Années 2000-2017 : LOLF, RGPP et MAP
Le mouvement de professionnalisation et d’institutionnalisation de la réforme de l’État se prolonge dans les années qui suivent en accompagnant les évolutions de l’organisation du pouvoir exécutif.
La loi organique relative aux lois de finances (LOLF)
La LOLF, votée en 2001, ancre dans la loi les principes et méthodes de la gestion par les résultats. Elle instaure un budget de performance où les crédits ne sont plus présentés, et votés, uniquement par nature, mais par missions, programmes et actions assortis d’indicateurs de performance (efficience, efficacité socio-économique, qualité de service).
Les administrations rendent compte de leurs résultats dans des rapports annuels de performance accessibles aux citoyens. Les administrations sont ainsi davantage responsabilisées sur la maîtrise de leurs moyens et les bénéfices de leurs actions pour les citoyens. La direction de la réforme budgétaire est chargée de former et d’accompagner toutes les administrations dans le passage vers ce nouveau format de gestion.
Les audits de modernisation
En appui à la mise en œuvre de la LOLF des stratégies ministérielles de réforme (SMR) sont engagées en 2002. Elles sont prolongées par 157 audits de modernisation conduits entre 2005 et 2007 pour proposer des gains de productivité ; favoriser les améliorations de la qualité du service et l’émergence de projets de modernisation. Les audits débouchent sur un document formalisé issu d’un diagnostic partagé en suivant un cadre méthodologique commun à l’ensemble des audits. Les engagements communs des administrations en matière de qualité de service rendu et d’accueil des usagers sont regroupés dans la « Charte Marianne » et s’accompagnent d’une démarche de labellisation.
La Révision générale des Politiques Publiques
Mise en place à partir de 2007, la Révision générale des Politiques Publiques (RGPP) constitue une tentative de prolonger la LOLF en agissant sur l’organisation administrative, aux niveaux stratégique et opérationnel. Il s’agit de réviser soit les missions, l’organisation ou les manières de travailler des administrations de manière à renforcer leur efficience. L’instauration d’un conseil de modernisation des politiques publiques, placé sous l’autorité du Président de la République, pour piloter la mise en œuvre de la RGPP montre que la politique de modernisation devient progressivement un enjeu interministériel au sommet de l’exécutif.
La Modernisation de l’Action Publique (MAP)
En 2012, la politique de transformation publique poursuit son ancrage interministériel en sortant du ministère des finances au profit d’un portage direct par le Premier ministre avec la création du secrétariat général de la modernisation de l’action publique (SGMAP). La transformation publique se focalise alors sur l’évaluation des politiques publiques et l’incubation de nouvelles méthodes de travail telles que le design et le management de l’innovation publique. Le pilotage du « choc de simplification » annoncé par le président de la République est confié au SGMAP, confirmant son rôle dans la transformation publique.
La transformation publique depuis 2017 : la DITP et le pilotage des politiques prioritaires par l’impact pour les Français
A partir de novembre 2017, une nouvelle organisation pour la transformation publique et numérique de l’État est mise en place. Le SGMAP laisse place à la direction interministérielle de la transformation publique (DITP) et à la direction interministérielle du numérique et du système d’information et de communication de l’État (DINSIC).
Un comité interministériel de la transformation publique, placé sous la présidence du Premier ministre, est créé, et un délégué interministériel à la transformation publique institué. Le comité assure le suivi de la mise en œuvre des plans de transformation ministériels et interministériels.
Une stratégie globale de territorialisation de l’action publique est mise en œuvre afin que les politiques prioritaires du Gouvernement soient mises en œuvre « jusqu’au dernier kilomètre ». L’objectif est de permettre à chaque Français de bénéficier de services publics plus simples, plus proches et plus efficaces. Une démarche de pilotage de l’exécution est mise en place, que les préfets sont chargés d’adapter aux spécificités de chaque département. Grâce au pouvoir de subsidiarité des préfets et l’animation des SGAR, la territorialisation de l’action publique se déploie en adaptant la mise en œuvre des politiques prioritaires aux problématiques du terrain. Le Baromètre des résultats de l’action publique permet à chaque Français de d’apprécier les résultats obtenus.
Le lancement de nouveaux engagements envers les usagers, dans le cadre du programme Services Publics+, marque un tournant vers la prise en compte de l’expérience ressentie par l’usager dans chacun de ses contacts avec les services publics en lui accordant, notamment, un droit à l’erreur. La volonté de faciliter concrètement la vie des Français se matérialise notamment par lancement du programme France Simplification. Ce dispositif interministériel, saisi par les préfets, se met au service des projets des territoires pour apporter une solution rapide et concrète aux obstacles rencontrés sur le terrain grâce à une approche interministérielle pilotée par la DITP et mobilisant, le cas échéant, le cabinet du Premier ministre.
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