Lutte contre la fraude : l’éclairage des sciences comportementales
Rapport Publié le 7 mai 2025 · Mise à jour le 9 mai 2025
Dans un contexte budgétaire contraint, la lutte contre la fraude constitue plus que jamais un enjeu prioritaire.

La fraude fiscale représenterait entre 60 et 100 milliards d’euros par an (bilan du plan de lutte contre les fraudes sociales et fiscales, 2024) et la fraude sociale est estimée à 13 milliards (Haut Conseil au financement de la protection sociale). Ce sont autant de ressources en moins pour la puissance publique, avec, au-delà d’un impact matériel sur les politiques et services publics, un coût moral et social conséquent.
Cette problématique peut notamment être éclairée par les sciences comportementales, à la fois en termes d’objectivation des mécanismes de fraude et d’identification de pistes pour y répondre. Anne-Sophie Hacquin, cheffe de projet au sein du pôle sciences comportementales de la DITP, et Stéphan Giraud, responsable du pôle, nous présentent quelques enseignements d’un travail de synthèse réalisé autour de ces enjeux.
Comment sont nés ces travaux sur l’analyse comportementale de la fraude ?
SG : Je dis souvent que l’ensemble des politiques publiques renvoient à des enjeux comportementaux. Les problématiques de fraude ne font évidemment pas exception. Pour y faire face, on doit comprendre les contextes et les motivations susceptibles d’encourager cette pratique. C’est par ailleurs l’un des domaines où les sciences comportementales ont été les plus fréquemment mobilisées dans le champ institutionnel, en particulier en matière fiscale, où certaines administrations anglo-saxonnes se sont dotées d’expertises dédiées. Nous avons pour notre part été ponctuellement sollicités sur ces sujets ces dernières années et avons souhaité synthétiser les principaux éléments de connaissance disponibles et utiles dans ce rapport.
Comment ce travail a-t-il été conduit ?
ASH : Nous avons réalisé une étude approfondie de la littérature scientifique et technique, en privilégiant les travaux les plus robustes. On a travaillé sur une base de 76 documents, avec un double constat invitant à la prudence. D’une part, la recherche concernée repose principalement sur des études en ligne, dont l’expérimentation ne reflète pas les conditions réelles. D’autre part, il s’agit pour la plupart d’interventions menées dans d’autres pays, dont les systèmes fiscaux ne sont pas toujours comparables à celui de la France. Ces éléments invitent donc à confronter les pistes d’interventions identifiées à la réalité des situations en recourant à des dispositifs expérimentaux.
Que nous disent les sciences comportementales de la fraude ?
SG : On se doit de les situer dans une réflexion plus générale qui part des enjeux de confiance envers l’action publique, et notamment du consentement à l’impôt, et intègre la possibilité de risques d’erreurs. Il ne s’agit pas de banaliser des pratiques malhonnêtes, mais de faire en sorte de les limiter. Pour cela, on doit agir au niveau systémique par :
- La création d’un socle pour promouvoir un comportement civique en matières fiscale et sociale en incarnant davantage l’usage de la dépense publique et en assurant plus de transparence dans les fonctionnements administratifs ;
- La simplification des processus, dans leur ampleur et leur forme, afin d’alléger la charge cognitive du citoyen.
Ainsi, on réduit la zone grise qui précède l’usage de la fraude, qu’on peut alors traiter avec plus d’efficacité.
Quels leviers comportementaux peut-on alors mobiliser ?
ASH : On peut être plus directement dissuasif en recourant à certains types d’actions. Parmi les plus utilisés, on peut mentionner les activités de contrôle, même s’il faut dans le même temps faire en sorte de ne pas donner le sentiment que les comportements sanctionnés sont finalement relativement fréquents. Ce risque d’effet rebond peut d’ailleurs être compensé en s’appuyant sur l’existence de normes sociales qui favorisent les comportements civiques. On peut également miser sur des interactions plus personnalisées avec les administrations, avec notamment des communications individualisées, renforçant un sentiment de proximité. Outre les questions éthiques, cette stigmatisation est loin d’avoir prouvé son efficacité, notamment auprès des fraudeurs « volontaires », pour lesquels les motivations sont peu entravées par des considérations morales.
Quelles suites sont envisagées pour ces travaux ?
SG : L’objectif était de proposer des pistes de réflexion et d’action concrètes dans un contexte où les questions d’efficience sont plus que jamais d’actualité. Comme indiqué par Anne-Sophie, nous invitons toujours à promouvoir une logique d’expérimentation et de confrontation au terrain. Nous serons évidemment heureux que des administrations s’emparent de ce rapport ouvert à tous ceux qui souhaiteraient approfondir ses contenus.
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