Transition écologique et sciences comportementales

Publié le 16 janvier 2019

Conseils, méthodes, coulisses, c'est le principe des "3 questions à...". Court, simple et dynamique, un format pour revenir concrètement sur un projet en donnant la parole aux agents de la DITP qui l'ont porté.

Découvrez l'interview de Mariam CHAMMAT et Stéphan GIRAUD, chefs de projets "sciences comportementales", qui ont piloté la rédaction de l’étude « Transition écologique : quel apport des sciences comportementales ?"

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La transition écologique est un terrain particulièrement favorable à l'approche comportementale car la marche est parfois haute pour les citoyens entre « intention de bien faire » et mise en œuvre concrète de pratiques environnementales « plus vertueuses ». Alors que l’urgence climatique et la question environnementale deviennent des préalables absolus à la résolution des autres grands enjeux sociaux ou économiques, les sciences comportementales peuvent nous aider à gagner du temps...

Pourquoi s'intéresser aux sciences comportementales quand on est un décideur public ? 

 

Mariam Chammat : dans la mise en œuvre des politiques publiques, différents outils peuvent être utilisés pour encourager un comportement comme, par exemple, la norme ou l’incitation financière. Cependant, pour certains sujets, l’écart entre intention et action est tel que les campagnes d’information et les incitations ne suffisent pas. Il faut aller vers les sciences comportementales, comprendre au plus près les pratiques des usagers pour identifier les freins et gagner en efficacité. Tout l’intérêt de l’approche comportementale, c’est de nous éclairer sur cet écart et la manière de le combler sans passer nécessairement par une nouvelle norme ou par la sanction.

Stéphan Giraud : dans le cas de la DITP, cela rejoint une préoccupation qui nous est chère : placer l’usager au cœur de la fabrique des politiques publiques. On peut le faire avec des méthodes classiques d’enquête, avec des méthodes de design mais on est également dans cette démarche lorsqu’on s’intéresse au comportement réel des individus. C’est la promesse des sciences comportementales appliquées aux politiques publiques.

Quel peut être l'apport des sciences comportementales pour la transition écologique ? 

 

Stéphan Giraud : s’il y a un domaine où se pose la question du décalage entre l’intention et l’action, c’est bien celui de la transition écologique. Il n'y a pas grand monde prêt à se déclarer « opposé » à la cause environnementale ou qui considère qu’il n’y a pas un enjeu d’intérêt général évident pour notre génération et celles à venir. Pour autant, même les personnes les mieux intentionnées ont des difficultés à passer à l’acte quand il s’agit de changer ses habitudes, d’adopter des pratiques quotidiennes qui vont dans le sens de la protection de l’environnement.

Mariam Chammat : les recherches sur ce sujet rendent parfaitement compte de ces freins. Ainsi, une étude de 2010 établit que 79% des français se déclarent prêts à consommer de façon responsable et 20% d’entre eux se qualifient d’éco-consommateurs. Mais quand on regarde vraiment comment cette intention se concrétise, seuls 4% des personnes adhérant à l’idée de consommer différemment traduisent leur intention en action, c’est-à-dire en achat de produits plus respectueux de l’environnement. Il y a un vrai décalage entre intention et action ; il y a aussi très souvent un défaut d’information. Beaucoup de gens ne sont pas informés des conséquences du réchauffement climatique ou des urgences environnementales. Il  faut donc agir en deux temps : faire un travail d’information ; puis, traduire l’intention en action. L’enjeu est bien de travailler sur la dimension incitative et, sur ce point, l’approche comportementale peut nous aider.

Au-delà des cas concrets qu'elle présente, que nous apprend l'étude qui vient d'être publiée sous la responsabilité éditoriale de la DITP en termes de méthode ? 

 

Stéphan Giraud : l'étude évoque toute une série d’expérimentations dont certaines font écho aux travaux menés par la DITP. Par exemple, la promotion de la réparabilité des objets (la possibilité pour un produit d’être aisément réparé et donc moins susceptible d’être jeté à la moindre panne !), sujet sur lequel nous accompagnons le Commissariat Général au Développement Durable dans le cadre de l’appel à manifestation d’intérêt lancé l'année dernière. Comment pousser la réparabilité d’un produit parmi les principaux critères de choix des consommateurs à l’occasion d’un achat ? Dans ce cas très concret, on constate que les citoyens sont plutôt intéressés par cette idée. Pour autant, la réparabilité n’est pas le seul critère de décision dans l’acte d’achat. Elle peut mettre être très en retrait parmi les points pris en compte par le consommateur pour décider d’acheter le produit ou pas (par exemple, le prix, l’esthétique, la fonctionnalité…). Dès lors, comment rendre le critère de la réparabilité plus prépondérant parmi les multiples critères – parfois à peine conscients - qui interviennent dans la prise de décision ? Il faut donc aller bien au-delà des a priori, faire des diagnostics de la manière dont les décisions d’achat sont prises, objectiver l’approche avec des experts et ensuite faire des tests sur le terrain. On touche ici à l’un des fondamentaux de l’approche comportementale :  comprendre qu’il faut, en amont de toute décision, objectiver les comportements de manière rigoureuse et, en aval, les tester.

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