Chantiers transverses AP22 : l'interview d'Henri Verdier

Publié le 21 avril 2018

Cinq chantiers dits « transverses » - car s’appliquant à l’ensemble des administrations – sont conduits dans le cadre d’Action Publique 2022 : simplification et amélioration de la qualité des services, rénovation du cadre des ressources humaines, transformation numérique, modernisation de la gestion budgétaire et comptable et organisation territoriale des services publics ; des thématiques à fort enjeu pour des milliers d’agents publics. Les mesures issues de ces travaux constitueront les conditions du succès, dans la durée, des futurs plans de transformation. Deux mois après les premières annonces du comité interministériel à la transformation publique, comment construit-on la nouvelle administration numérique ? L'interview d'Henri Verdier, directeur interministériel du numérique et du système d'information de l'Etat français.

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Comment avez-vous organisé vos travaux depuis le lancement d’Action Publique 2022 ?
 
Nous nous sommes attachés à reprendre à la racine les grandes questions structurantes de la transformation numérique de l’Etat, du socle profond à la philosophie d’action, en passant par la qualité de service. Avec le secrétaire d’Etat au Numérique Mounir Mahjoubi, nous avons lancé dès le mois d’octobre 2017 un travail intense avec les directeurs des systèmes d’information des ministères et de quelques grandes directions. Nous avons abordé les problématiques de sécurité, de gestion du « legacy » (ndlr : héritage logiciel) ; nous avons planché sur la manière de mieux faire circuler nos données, la difficulté à travailler l’expérience utilisateur, ou encore les cas particuliers des informatiques budgétaires et RH.
En six mois, nous avons construit un cadre stratégique rénové et très partagé. Maintenant nous devons organiser la mise en œuvre de tout cela.
 
Le Premier ministre a rappelé l'ambition gouvernementale de 100% des démarches dématérialisées lors du dernier CITP...
 
Nous faisons pivot sur la promesse présidentielle en tentant une approche encore plus numérique, puisqu’au cœur du projet nous avons mis une plateforme de dématérialisation : demarches-simplifiees.fr. Ce service en ligne, que nous avons fabriqué et inauguré le 1er mars dernier, permet à n’importe quelle administration de dématérialiser facilement toute démarche. L’outil va plus loin qu’une simple usine à formulaires puisqu’il embarque directement l'ensemble des services de l'Etat plateforme, avec à la clé plus de simplicité tant pour l’administration que pour l’usager. Concrètement, lorsqu'une entreprise renseigne son numéro SIRET, le système fournit automatiquement son effectif, sa date de création, son adresse, sa forme juridique... De même, un particulier utilisant FranceConnect n'a plus besoin de saisir son identité (nom, prénom, date de naissance...). A condition bien sûr que celui-ci ait donné son consentement au préalable.

Le bouton FranceConnect devient-il la marque de la transformation numérique ?
 
FranceConnect, c’est effectivement un bouton, grâce auquel je m’identifie sur les sites de démarches en ligne. Mais la logique va bien au-delà. FranceConnect me permet aussi de bénéficier d’un service personnalisé, en sécurité, puisque c’est moi qui consens que les données me concernant soient échangées entre administrations. Le Premier ministre voit aussi en FranceConnect bien plus qu’un bouton, à travers lui se dessine un projet de qualité de service. Un service qui me reconnaît, qui s’adapte à moi, qui me répond, qui me facilite la vie et sur lequel j’ai la main. Nous en faisons au moins le symbole et sans doute la marque d’une certaine logique de l’action publique.
 
Ce service peut-il jouer un rôle dans l'inclusion numérique ?
 
C’est un combat très important dans lequel FranceConnect peut en effet jouer un rôle mais qui ne s’épuise pas avec FranceConnect. Aujourd’hui, plus d’un quart de la population française n’est pas à l’aise avec le numérique, nous devons nous assurer de concevoir une république pour 100% des citoyens, dans laquelle chacun a sa place. Nous ne voulons pas laisser ces gens-là sur le bord de la route. Si 100% des démarches doivent pouvoir être réalisées par voie numérique, nous pensons qu’il faut conserver la possibilité d’effectuer les démarches avec des « humains » dans la boucle.
 
Le CITP annonce aussi la création d’un tableau de bord ouvert et contributif des services publics de l’Etat accessibles en ligne. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Ce tableau de bord contributif est conforme à notre philosophie de gouvernement ouvert. Avec cet outil, plus encore que d’associer les gens à la prise de décision, nous souhaitons les associer au contrôle de l’exécution. En faire un enjeu collectif afin éviter les lois sans lendemain. Nous souhaitons dire aux citoyens : « venez nous aider à signaler les démarches qui ne sont pas dématérialisées, même celles que nous nous n’avions pas repérées, dites-nous lesquelles sont les plus urgentes, les plus importantes, faites-nous des retours pour que l’on puisse les améliorer ». C’est dans la dialectique entre l’outil et la transparence que l’on espère bâtir l’administration numérique.

Une autre dimension d’Action Publique 2022 est le fonds de transformation de l’action publique, doté de 700 millions d’euros sur cinq ans dont 200 millions pour l’année 2018. Etes-vous concernés ?
 
En effet, quatre chantiers de transformation numérique interministérielle font l’objet d’un dossier déposé par la DINSIC au fonds de transformation de l’action publique, dont nous attendons maintenant les résultats. Quant aux autres chantiers, nous sommes en train de travailler en interministériel afin d’en mutualiser les financements.
 
Avez-vous des attentes quant aux autres chantiers transverses ?
 
Faire entrer l’Etat pleinement dans cette modernité numérique est une problématique multidimensionnelle. Au-delà des choix techniques se posent des questions organisationnelles, RH, budgétaires… Nous plaçons ainsi beaucoup d'espoir, notamment, dans la rénovation du cadre des ressources humaines. Aujourd’hui, dans les ministères qui n’ont pas de corps d’ingénieurs SI, la plupart des informaticiens sont des contractuels. La difficulté à recruter, à conserver, à former ces contractuels est devenue un vrai handicap pour la fonction numérique dans l’Etat. De même, nous allons articuler notre action avec les conclusions du chantier territorial, puisque nous nous occupons aussi de l’informatique des services déconcentrés, et avons une interface de dialogue forte avec les collectivités locales à travers le programme DCANT (développement concerté de l’administration numérique territoriale). Oui, nous sommes très solidaires et très en attente des résultats de nos collègues des autres chantiers.

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